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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

Les hàllacas, fête traditionnelle vénézuélienne.

Grâce à Pierre, un ami globe-trotter français vivant maintenant au Vénézuela, nous sommes accueillis dans une famille vénézuélienne, dans la ville de San Diégo, près de Valencia.

Ramon, écrivain et poète,  Mathilda, son épouse, ainsi que leurs deux enfants, nous reçoivent fort gentiment pour cette semaine de préparatifs durant laquelle nous exécuterons avec eux et leurs amis environ cinq cents  hàllacas, plat incontournable des repas de Noël.
L’origine de cette recette date de l’époque coloniale : Les espagnols, propriétaires des haciendas, donnaient  aux esclaves indigènes leurs restes de nourriture.  Ceux-ci  mirent en commun leur savoir faire pour créer cette crêpe farcie, dont les ingrédients peuvent varier suivant les régions.

De larges feuilles de bananiers sont nécessaires  à la confection des hàllacas. Coupées à l’aide de machettes, elles sont ensuite fumées. Devenues souples, elles sont débarrassées, toujours avec la machette, de leur tige centrale, puis coupées en rectangles  de trente centimètres environ. Les extrémités des feuilles sont gardées pour les emballages extérieurs.
Toute la famille est à pied d’œuvre pour nettoyer les morceaux de feuilles et je participe avec joie à cette tache un peu rébarbative, mais conviviale et rythmée par la musique omniprésente dans cette maison, grâce à des infatigables musiciens de talent.
Patrick se rend utile lors de la découpe des légumes en petits dés : oignons, carottes, poivrons, aulx, poireaux…Ce sont des kilos de légumes qui sont préparés chaque jours et conservés au froid.
La veille, les poulets sont tués et plumés, le porc acheté pour l’occasion est découpé, les  morceaux de  bœuf sont disposés  en larges tranches.

Le matin même, très tôt, la maison bourdonne d’allées et venues. Des voisins et amis arrivent, apportant chacun une contribution à la grande fête qui va commencer.
Les caisses de bière s’entassent dans un coin de la cuisine, les bouteilles d’alcool se multiplient, des cadeaux sont offerts aux enfants.
Sur un trépied à gaz,  les viandes sont mises à cuire dans un bouillon assaisonné avec soin, et avec beaucoup d’herbes dont je ne connaissais même pas l’existence.
Une fois cuites, ces pièces de viandes sont à leur tour découpées en petits dés, Patrick travaille dur pour ne pas se laisser distancer par les dames de la maison !
Une partie du bouillon obtenu servira à la cuisson des légumes, dans un ordre précis.
Pendant ce temps, la farine de maïs est mélangée avec du beurre fondu, du sel, du bouillon et un colorant naturel l’onoto.  De grandes cuvettes sont utilisées et mon malaxage fait beaucoup rire nos hôtes !
Aux alentours de 17 heures, une grande table est dressée dans le jardin. Une dizaine de personnes, majoritairement des femmes, prend place et le travail de confection peut commencer. Chaque grande feuille est recouverte partiellement d’une fine couche de farine de maïs, puis garnie du ragout obtenu grâce au mélange viande légumes. Sont ajoutés ensuite, par les doigts agiles et patients, des raisins, des olives, des morceaux de poivrons, des tranches d’oignons et de fines lamelles de carottes.
Pliée tel un paquet cadeau, la première feuille ainsi garnie est recouverte de deux feuilles de plus petites tailles et ficelée avec soin. Ce dernier travail demande dextérité et précision. Il n’est pas question, en effet, que la ficelle se détache lors de la cuisson !
Celle-ci a lieu dans une immense marmite et dure une vingtaine de minutes. Les hàllacas sont ensuite mis à refroidir sur un sommier en fer en attendant d’être distribuées aux voisins, aux amis, ou conservés jusqu’aux repas de Noël.

Toute la soirée, et jusqu’à une heure fort avancée dans la nuit, le travail s’exécute dans la joie et la bonne humeur, les équipes se relaient, chacun prenant le temps de boire une bière, d’écouter ou de jouer de la musique, de danser parfois…
Les musiciens s’en donnent à cœur joie et les refrains sont repris en cœur par tous. Nous ne maitrisons pas encore suffisamment la langue espagnole pour chanter mais une chanson parlant de Tour Eiffel, de Paris, de parfums  nous est dédiée. Il est vrai que la plupart des paroles sont inventées au fur et à mesure…

Nous garderons un souvenir merveilleux et ému de cette belle journée de partage, de convivialité et remercions chaleureusement cette famille pour son hospitalité, sa générosité et son envie de communiquer malgré notre espagnol de débutants.