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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

« Nana »

certainement le mot le plus facile à apprendre en langue tahitienne ! Il signifie « au revoir », « salut », « à bientôt », « à la prochaine » ...
C’est aujourd’hui le mot le plus difficile à prononcer pour nous, à la veille de quitter cet extraordinaire territoire où une partie de notre cœur restera...

 

MAIS POURQUOI ?

 Depuis six ans entrecoupés seulement d’un petit aller-retour en Martinique pour ramener notre second bateau, nous avons sillonné les eaux polynésiennes, visité des dizaines d’atolls, mouillé dans les plus belles baies des Marquises, des Gambier, ainsi que dans les plus magiques lagons des Tuamotu et des îles sous le vent. Dans plus de vingt îles différentes, nous avons plongé des centaines de fois. Que de merveilleuses découvertes dans les passes mythiques de Fakarava, de Rangiroa, dans celles moins connues d’Aratika ou de Makemo, lors de l’exploration et la découverte de splendides grottes à Apatoni!

Partout, nous avons rencontré des personnes accueillantes, disponibles, attachantes. Nous avons créé des liens forts avec des familles de Makemo, de Fakarava, de Nuku-Hiva, de Hiva-Oa et de Tahuata. 
Des parties de pêches, des journées de chasse, des fêtes de famille, des messes de Noël, nous avons vécu et partagé des moments royaux, inscrits pour toujours, bien à l’abri dans un coin de nos mémoires.

Nous avons navigué avec des bateaux copains formidables et croisé des équipages passionnés et passionnants, comme ils vont nous manquer !

Nous avons amplement profité de la grande liberté laissée aux navigateurs, du système de santé partenaire de celui de la métropole, de la facilité des échanges dus à la pratique de la langue française.

Ces années merveilleuses ont défilé à grande vitesse et nous les avons terminées en apothéose avec la venue à bord de nos deux garçons et de Marion, notre petite fille.

 

MAIS POURQUOI PARTIR ALORS ?

Lorsque nous avions quitté la métropole voici déjà neuf ans, nous avions prévu de faire un petit tour du monde en cinq ans.
C’était sans compter notre coup de foudre pour la Polynésie, ma découverte et mon virus de la plongée sous-marine, les belles rencontres, la joie de vivre en bateau...

Notre halte ici pourrait se prolonger longtemps, très longtemps même...

Pourtant, nous avons encore soif de découvertes, d’aventure, d’inconnu...

Nous sommes curieux de connaître les autres îles du Pacifique, de rencontrer d’autres peuples, d’explorer les spots de plongées dont certains nous vantent les richesses, de visiter la Nouvelle Zélande.
Les îles Cook, les Fidji, les Tonga, le Vanuatu, la Nouvelle Calédonie sont des destinations qui font rêver les navigateurs, pourquoi pas nous ?

Après deux années passées au Japon, Paul-Alexis, notre fils, doit bientôt retourner vivre en Australie et nous sommes heureux de nous rapprocher un peu de lui.

Un nouveau voyage commence et nous nous rendons compte à l’instant que nous n’étions plus en voyage ici, nous étions simplement chez nous...

 

LES « AU-REVOIR ».

Quitter la Polynésie, c’est d’abord partir des Marquises.
Non, quitter la Polynésie, c’est quitter les Marquises !

Au petit quai de Taiohae, l’équipage de « Contre-temps » nous offre les traditionnels colliers de graines, nous versons nos premières larmes. Vient ensuite la douloureuse séparation ; nous serrons dans nos bras nos amis Cindy et Richard, nous sommes malheureux et ne trouvons plus nos mots (si, si même moi !)
Au village d’Apatoni, nous laissons aussi nos familles amies qui nous accompagnent jusque sur le quai. Les colliers de graines et autres sculptures offerts s’amoncellent autour de nos cous. Nos cœurs sont gros, il ne faudrait pas grand-chose pour que nous changions de programme...

À Fakarava, je cache mes larmes en laissant Tetamanu, mon endroit préféré, ma passe fétiche...

La veille de notre départ de Tahiti, nous prenons un dernier repas avec nos amis proches, trinquons à nos routes qui se séparent mais qui se rejoindront peut-être un jour, ici ou là.
Certains ont même parié que nous ne décollerions pas.  A ce jour, ils n’ont pas encore perdu, mais cela ne saurait tarder.

 

LES PRÉPARATIFS.

Patrick se renseigne beaucoup sur les formalités d’entrée des îles que nous allons visiter, sur les meilleures routes maritimes, sur les conditions météorologiques, il recherche des témoignages de navigateurs, lit des dizaines d’articles.
Quant à moi, sous prétexte de l’incommensurable confiance que je voue à mon capitaine, je me la coule douce, continue mon tifaifai, bavarde gaiement avec mes copines...

Nous ne chargeons pas le bateau en victuailles. Radio -ponton raconte que tous les aliments ne sont pas autorisés aux îles Cook et en Nouvelle Zélande.
Notre expérience nous a prouvé que nous trouverions toujours de la nourriture en chemin et notre neveu Valentin nous a donné de bonnes leçons de pêche lors de son séjour parmi nous !

Toujours d’après Radio-ponton, la Nouvelle Zélande est une escale technique importante, les produits proposés sont de bonne qualité et à des prix abordables, nous ne faisons donc pas de gros travaux sur le catamaran et réservons nos achats.
Nous enrichissons notre collection de drapeaux avec celui des îles Cook, ceux des Fidji, des Tonga et de la Nouvelle Zélande.
Cependant, la sécurité importe toujours et nous remplaçons notre survie périmée pour une neuve, en espérant ne jamais l’utiliser...

 

LE DÉPART DE TAHITI.

Voilà, l’heure est venue pour nous de larguer les amarres, un vendredi, nous ne sommes ni bretons ni superstitieux.
Notre ami Laurent, toujours dévoué, nous accompagne à la station d’essence et nous aide à la manœuvre d’approche. Les réservoirs et les jerricans remplis, nous prenons la passe et quittons Tahiti. Dans le canal, une houle importante et des puissantes rafales de vent nous secouent un peu, nous ne sommes pas bien amarinés et pas très courageux. Une halte s’impose donc à Moorea, où nous retrouvons avec plaisir un lagon calme et la jolie baie de Cook.
Nous avons décollé de Tahiti, mais avons commencé le voyage par une toute petite navigation, histoire d’adoucir les émotions.
Trois jours plus tard, nous profitons d’une excellente fenêtre météo pour rejoindre Raiatea.
Là, après trois semaines de farniente, entrecoupées de quelques plongées, nous nous rendons à la gendarmerie pour accomplir les formalités de sorties du territoire.
Mais le sketch du départ continue...
L’intranet de la gendarmerie ne fonctionne pas, les fonctionnaires nous recommandent de nous rapprocher de la gendarmerie de Tahaa. Patrick est fort sceptique, mais nous obtempérons.
Avec la navette, nous accostons sur l’île de la vanille. Un minibus nous transporte au village de Patio, nous marchons jusqu’à la gendarmerie où, bien évidemment, les gendarmes ne sont pas aptes à délivrer cette formalité.
Nous devons traverser l’île en voiture particulière pour attraper la navette retour, après une belle promenade dans la verdure de Tahaa.
Dépités et contrariés, nous quittons Raiatea pour Bora-Bora, en quête de gendarmes plus compétents.
À bientôt donc, pour de nouveaux récits...