La simple évocation du Pacifique ou de la Polynésie diffuse dans l'imagination de beaucoup d'entre nous des envies de Bora-Bora, de son lagon, ses plages, ses hôtels les pieds dans l'eau...
Quels amoureux n'ont pas rêvé d'une lune de miel, ici, au milieu de cette palette de bleus et de verts, sur une pirogue à voiles, devant un coucher de soleil d'un romantisme intemporel?
Les dires des marins n'étaient pas tendres avec ce haut lieu touristique et nous craignions un peu, en venant naviguer sur cet atoll, de nous trouver confrontés aux dures lois du tourisme, à un excès de constructions, à une grande perte d'authenticité dans les rencontres avec les habitants.
Bora-Bora est située à 260 kilomètres au Nord- Ouest de Tahiti, distance que nous parcourons en plusieurs étapes, en profitant des festivités du mois de juillet sur l'île de Raiatea.
Cette île mesure 8 kilomètres du Nord au Sud et 5 kilomètres d'Est en Ouest. Sa superficie est inférieure à 40 kilomètres carrés. Elle est formée d'un volcan éteint; un lagon et une frange de récif l'encerclent.
Le mont Otemanu culmine à 727 mètres et le mont Pahia à 661 mètres.
Nous pensions être habitués aux couleurs des eaux polynésiennes mais ce lagon- ci nous surprend et nous émeut par la majestueuse beauté de sa polychromie aqueuse. Le paysage est encore plus féerique, le lagon est extrêmement étendu et représente trois fois la surface terrestre.
Les fonds de sable immenses, sans têtes de corail, permettent une navigation assez aisée.
De nombreuses espèces de poissons sont encore présentes dans ce lagon, les raies y trouvent leur nourriture.
Nous plongerons sur le passage de deux belles raies Manta et nous nous régalerons sur un jardin de corail fort joli à la pointe de l'île.
Lorsque, confortablement installée sur le bateau en brodant mon ti'fai'fai', je lève les yeux sur ce camaïeu de bleus, je reste émerveillée, l'aiguille en l'air, et ne me lasse pas d'admirer ces dégradés turquoise, variant suivant l'ensoleillement et l'heure de la journée...
Les mouillages y sont abrités, faciles d'accès et calmes.
Les hôtels, comprenant des dizaines et des dizaines de petits bungalows sur pilotis ne gâchent pas le paysage, leur architecture typique s'y intègre parfaitement, rendant spectaculaire la navigation lagunaire.
Certains ont fermé leurs portes pour cause de cyclone ou de crise financière, mais les hôtels proposant des prestations très haut de gamme restent très prisés par une riche clientèle internationale, arrivant souvent des pays du soleil levant.
De nombreuses activités aquatiques sont proposées aux touristes et les moniteurs de jet skis, plongées, parachute ascensionnel, voile, kit surf rivalisent de professionnalisme, de gentillesse, de sourires et de muscles dorés...
Des petits sous-marins biplaces sont loués pour une promenade confortable, bien qu'un peu humide, au milieu des poissons et des raies.
La plupart des motus sont privés, et nous ne nous en approchons qu'avec précaution, mais les balades en kayak nous permettent de les longer sans aucun bruit et sans déranger nullement leurs occupants se prélassant sur leurs transats. Ceux-ci nous saluent d'ailleurs fort gentiment.
Cependant, certains motus sont encore habités par des polynésiens et une famille nous interpelle, nous invitant à les rejoindre sur leur plage.
Nous sommes accueillis avec gentillesse, une noix de coco nous est offerte et un enfant monte sur le papayer nous décrocher un fruit mûr à point.
Cette famille, propriétaire du motu, vit du tressage de pandanus. Devant notre curiosité, nous sommes conviés à une visite chez la tatie voisine et avons droit à une démonstration de constructions de toit de paillote.
Les feuilles de pandanus sont pliées en deux, dans le sens de la longueur, autour d'une tige de bambou, puis percées à l'aide d'un frein de vélo ou d'un os de gigot. Une deuxième tige, enfilée en quinconce, maintient les feuilles reliées et serrées les unes contre les autres. Celles-ci sont ensuite rassemblées pour former une sorte de raquette.
Les toits réalisés de cette manière ont une durée maximum de vie de cinq ans, ce qui assure un travail régulier à ces familles, étant donné le nombre de paillotes installées sur l'île.
Une fois encore, et cela nous étonne ici, dans cet atoll pourtant très touristique, nous rentrons au bateau chargés de noix de coco, de papayes, de prunes, d'un régime de bananes et de coquillages.
Une promenade sur l'île nous permet de découvrir les villages de pêcheurs et d'agriculteurs dans les différentes vallées. Nous visitons un imposant marae, et un descendant de la famille royale nous explique la signification des divers pétroglyphes encore bien visibles sur une grosse pierre millénaire.
Subsistent aussi sur cette île de nombreux vestiges du passage de l'armée américaine, en 1942 et 1943.
Après le bombardement de Pearl Harbor, aux îles Hawaïennes, environ cinq mille hommes débarquèrent, à bord de navires chargés de vingt mille tonnes de matériel.
Les Américains installèrent sur les collines huit canons de sept pouces, plus de trois cent blockhaus furent construits, certains pouvant accueillir une petite centaine de personnes. Ils sont aujourd'hui utilisés en cas d'alerte cyclonique, mais abritent aussi des amours clandestines et des cultures interdites.
L'aéroport fut construit par ces hommes sur le motu Mute, la route traversière tracée, des conduites d'eau posées.
Quelques enfants plus blonds, quelques yeux bleus sont aussi des présents génétiques offerts par les soldats américains...
Notre séjour à Bora- Bora, sous le soleil, fut donc un enchantement. Comment arriverons- nous à quitter cette Polynésie où, décidément, nous allons encore, au terme de deux années passées sur ce territoire, de bonnes surprises en belles découvertes?
Et, puisqu'il est toujours permis de rêver, je vous signale que l'îlot de Paul- Émile Victor, avec ses deux maisons et ses plages de sable blanc, est à vendre au prix de un milliard de francs pacifiques...
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