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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

FESTIVAL A UA-HUKA.

Trois jours de navigation sportive mais agréable, sous des cieux cléments et des nuits de pleine lune, nous permettent d’atteindre Ua –Huka la veille du festival.
De loin, nous apercevons de vastes plateaux, des collines asséchées entrecoupées de vallées verdoyantes. Les falaises sont abruptes, la houle s’engouffre dans la baie de Vaipaee, rebondit de part et d’autre de cet étroit goulet dans lequel nous renonçons à poser notre ancre.
Ce fut  donc la baie de Hane qui abrita notre voilier, en grande compagnie puisque une belle vingtaine de voiliers y trouveront refuge.
Cette affluence, jamais connue de mémoire d’homme, combla les habitants de fierté et de bonheur. Les feux de mouillage et nos illuminations furent pour eux des étoiles et des cadeaux de Noël, récompenses méritées de leur travail et de leur générosité.
Le débarquement avec notre annexe trop lourde était impossible, la marée haute imposant un portage sur vingt mètres et c’est en annexe-taxi que nous rejoignîmes  la terre, parfois un peu mouillés, mais jamais chavirés grâce à notre chauffeur de luxe !
Les allées et venues entre le site du festival, les vallées et les villages se firent en stop. Les habitants, d’une gentillesse marquisienne nous chargèrent  dans les bennes de leurs 4x4, malgré les interdictions de la gendarmerie arrivée sur les lieux pour l’occasion.
Au sommet d’un large plateau surplombant l’océan, se dressait le lieu des festivités, un marae restauré avec soin, fleuri, décoré d’œuvres locales, de tikis, de statues taillées dans le bois et la pierre…
Trois tribunes encerclaient  la piste, chacune était abritée du soleil et de la pluie par de petites avancées, des arbustes plantés en délimitaient les contours, des bancs de bois et de pierre avaient été installés pour le plus grand confort des spectateurs.
Les six iles des Marquises avaient envoyé leur délégation, les danseurs et leur orchestre, certes, mais aussi des tatoueurs, des sculpteurs, des graveurs, des cuisiniers…
Conscients de notre chance, nous allions savourer chaque instant de cette rencontre, assister à toutes les danses, suivre chaque création, visiter et revisiter chaque stand, papoter avec nos connaissances et créer de nouveaux liens.
Comment vous décrirais-je les spectacles de danse, si différents suivant les îles ?
Devrais-je vous parler des costumes féminins, tous plus beaux les uns que les autres, alliant créativité et  simplicité,  sophistication et dénuement, mélangeant plumes, coquillages, perles, feuillages, pieuvres séchées, écorces d’arbres, noix de coco… ?
Ou de  ceux des guerriers, assemblages savants de perles, de plumes, de branchages, d’os de cochon ou de chèvre sculptés, de dents et  vertèbres de requins, de peaux de chèvre…disposés sur des corps tatoués et musclés à souhait… ?
Non, je vous raconterai les frissons qui parcouraient mon corps devant ces hommes dansant et chantant, les larmes qui coulaient sur mon visage en admirant, émerveillée, ces jeunes filles exécuter la danse de l’oiseau ou de la perruche bleue.
Dans un rythme soutenu par des orchestres puissants et enthousiastes, chaque danseur donnait toute son énergie, offrait toute sa volonté et vibrait au son et au diapason de ses compagnons, dans une belle harmonie pleine d’émotion.
Chaque groupe nous apportait ainsi la culture propre à son île, à la vie de ses ancêtres, les traditions auxquelles ils se rattachent, soucieux de les transmettre aux générations futures.
Parfois racontant une légende que nous ne comprenions pas, parfois violentes et guerrières, parfois plus calmes, rythmées mais toujours chantées, les danses marquisiennes font entièrement partie du patrimoine, mais elles symbolisent la vie quotidienne avec des gestes représentant la pêche, la chasse, l’amour, la vie et la mort…
Nous ne nous lassions pas de ce spectacle envoutant, dans ce cadre idyllique et majestueux, et ne rentrions que tard au bateau, heureux et fourbus.
Le dernier jour, ce fut l’apothéose, les six groupes se produisirent les uns après les autres, chacun rivalisant d’audace et d’énergie, sous un soleil de plomb et avec les applaudissements soutenus du public conquis.
Le grand repas pris en commun fut à l’image marquisienne, démesuré et grandiose !
Six fours marquisiens avaient été garnis de huit cent kilos de viande : 1 bœuf, cinq cochons, onze chèvres, des légumes en quantité pantagruélique, des « poe », gâteaux de manioc à la citrouille, au coco ou aux bananes….
Durant une douzaine d’heures, entre la braise, les pierres brulantes et les feuilles de bananier, la nourriture avait cuit à l‘étouffée, prenant un délicieux gout de feu de bois.
Chaque plat fut disposé sur un buffet géant, joliment présenté dans des plats taillés, sculptés, et décorés de feuilles tressées, et chacun se servit dans une assiette biodégradable cueillie en chemin : demi-pamplemousse, noix de coco vidée, tige de bambou, feuille de bananier, tous trouvèrent un récipient à la taille de leur appétit et la nourriture fût fort appréciée.
Les efforts fournis par les habitants de cette petite île  pour la mise en place de cette manifestation nous laissent admiratifs et très respectueux, nous les en remercions très chaleureusement.