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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

RENCONTRES AVEC LES GRANDS!

 

La navigation Tahiti/ Mooréa , puis le séjour à Mooréa  seront rapides mais riches  en émotions par ce mois de septembre.
À cette saison, les baleines sont remontées du grand Sud pour mettre bas, ici, à l'abri des barrières de corail, et elles y demeurent le temps d'élever leurs petits baleineaux.

En naviguant, Patrick et moi montons donc sérieusement la garde afin de les apercevoir, pour la beauté de l'instant, certes, mais aussi pour éviter  la collision éventuelle.

Le long de la barrière de corail, nous voyons un premier petit mammifère et le regardons jouer un moment. Mais, à cet instant,  de l'autre côté du bateau, deux souffles d'eau jaillissent dans un bruit assourdissant.
Évidemment, comme à mon habitude, je crie et je me rue sur mon appareil photo. Patrick ralentit les moteurs et nous avons l’immense privilège de les regarder un grand moment, non loin de nous.
Elles sont trois, nagent tranquillement, et soufflent de temps à autre.
Nous assistons à leurs plongeons,  et leur imposantes queues se dessinent sur l'horizon, surréalistes masses de chair noire, aux contours définis et imposants.

Valérie et Régis, sur leur catamaran, nous suivent de près. Un petit groupe de polynésiens, sur leur pirogues, est aussi sorti du lagon, a  franchi la barrière de corail pour venir de plus prêt observer les baleines.
Trop curieux, ces sportifs téméraires  s’approchent de plus en plus. Les baleines les ont certainement vus mais, ne les entendant pas, ont sans doute du mal à les localiser.
L'une d'entre elle, désœuvrée, joueuse ou coquine, plonge subitement, laissant tomber sa lourde queue sur une des pirogues !

Un vacarme assourdissant, des cris, puis le silence stupéfait des témoins, puis à nouveau les cris des rameurs appelant Régis à la rescousse!
Bon samaritain, Régis rejoint le malheureux, le hisse sur son bateau et attache à l'arrière les restes de la pirogue éventrée.
Tout tremblant, le rescapé reconnaît avoir été un peu imprudent, mais très chanceux, d’autant plus qu'il est ramené  de suite au fond de  la baie de Cook, où il demeure.

Voilà, nous sommes entrés dans le monde des grands!

Le lendemain, lors d'une plongée dans la passe d'Oponohu, nous nous trouverons nez à nez avec six requins citron.
Sur vingt mètres de fond, ils tournoient, passent et repassent devant nos yeux émerveilles et incrédules!
Ils mesurent entre trois et quatre mètres, leur couleur est assez claire, et ils ont vraiment des yeux et des dents de requins!
En effet, leurs mâchoires ne sont pas fermées, nous pouvons admirer leurs dents acérées, et leurs yeux nous semblent vifs, moqueurs et inquiétants.
Leurs museaux sont arrondis, leurs deux nageoires dorsales sont de même taille.
Je me faufile entre Régis et Patrick et me fait toute petite.
Lorsqu'une femelle, énorme  car certainement bientôt maman, s'approche,  gueule ouverte, j'ai le cœur qui bat la chamade, je me tapis au sol, baisse la tête, et ferme les yeux.
Le manomètre descend à vue d'œil et ma combinaison est soudain très chaude! Si le cœur n'a pas lâché, la vessie, par contre, s'est totalement relâchée!
Régis et Patrick ont sorti les octopucs de leurs nez de clown, prêts à dégainer des bulles au cas où cette imposante dame viendrait nous frôler d’un peu trop prêt.

Nous ne nous lassons pas d'admirer ses monstres, de les voir se déplacer avec autant de vitesse et d'aisance, avec quelques frissons et  poussées d'adrénaline lorsqu'ils se rapprochent de nous.

Patrick, de temps à autre, presse sa petite bouteille plastique et le bruit attire à nouveau nos vedettes du jour.

Mais l'heure tourne et les bouteilles se vident, nous montons tranquillement à la surface, ravis et comblés par ce spectacle envoûtant.

Le lendemain, au retour d'une plongée, Patrick aperçoit,  en surface, à l'intérieur du lagon, une baleine et son baleineau. Nous sommes très intrigués, nous avons l'impression que la maman  baleine est morte car nous ne la voyons pas respirer.
Par contre, le bébé respire bien et des jets d'eau s'échappent régulièrement de son "petit" dos.
Nous avançons prudemment, la baleine ne bouge pas et dérive lentement, sans bruit.
Après un moment d'hésitation, Patrick et Régis se jettent à l'eau, avec leurs palmes et leurs masques, sans prendre le temps de remettre les bouteilles de plongées!

Je reste sur l’annexe, moteur arrêté, et  je prépare les rames pour rester à distance raisonnable, aux premières loges, tout de même!
Pour ne pas effrayer le baleineau, les garçons  font le tour et tente de se rapprocher de la maman par le côté. Ils observent que celle-ci, à l'aide de sa nageoire, protège et tient serré contre elle son petit baleineau.
Ils nagent maintenant tout prêt de cette énorme bête et ils se sentent minuscules! Sa queue, à elle seule, est bien plus grande qu'eux!
La baleine dort tranquillement, son bébé à l'abri contre elle.

Sur l'annexe, je profite moi aussi de ce cadeau de la nature, de cet instant sublime où la rencontre inespérée, incroyable, arrête le temps par magie et m’entraîne dans une extase jubilatoire, dans le rêve éveillé, dans la contemplation ébahie.

Mais soudain, l'eau se met à bouger, la pression exercée par la puissance de la queue en mouvement lisse la surface de l'eau et des vagues se forment tout autour, suivies par des mouvements plus importants. Oups! La baleine se réveille, se déploie, souffle et se  soulève.
Inquiète, je cherche mes plongeurs qui, surpris, ont été un peu projetés par le tourbillon d'eau mais qui ressortent  aussitôt de l'eau en poussant des hurlements de joie.
La queue de la baleine retombe puissamment dans l'eau dans des éclaboussures spectaculaires, la baleine plonge ensuite et se dirige vers la passe, son bébé toujours bien protégé.
Je récupère mes deux plongeurs  redevenus adolescents aux yeux emplis d'étoiles, excités et heureux.

L'après- midi, plus calmement  nous sommes allés voir les grandes raies pastenagues, dans les eaux peu profondes et sablonneuses du lagon.
Nous avons pu les approcher, les caresser, et les admirer par un mètre de fond!
Leur peau est visqueuse,  légèrement granuleuse, et elles viennent contre nous, alléchées par l'odeur des petits poissons que nous leur distribuons!

Les iles sous le vent nous réservent donc de joyeuses surprises, ces belles rencontres qui  nous fascinent, nous émerveillent et rendent notre voyage plus merveilleux, plus grand, plus magique...