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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

HIVA-OA, l'élégante. TAHUATA, la secrète.

Quatre îles composent le groupe Sud des Marquises:
Hiva-Oa, Tahuata, Fatu Hiva et Motane.
Nous visitons Hiva-Oa à deux reprises, seuls,  puis avec nos amis de Nuku-Hiva que nous avons le bonheur d'accueillir une semaine sur notre bateau.

Hiva-Oa est une ile en forme d'hameçon autour de la baie des Traitres,  dans le sud de l'île. Elle mesure vingt- trois miles d'Est en Ouest, la capitale Atuana est située au Sud de l'île.

Nous jetons l'ancre dans la baie de Tahauku, dans un petit port plutôt accueillant, malgré l'eau un peu boueuse et le ponton délabré  nécessitant un abordage vraiment sportif.
Le village se trouve à trois kilomètres environ, mais un raccourci longeant la plage de sable noir permet de réduire la distance en escaladant  la falaise, à l'ombre de grands manguiers.
Les rues du village sont charmantes, propres, fleuries, les maisons sont élégantes, colorées, souvent sur pilotis.
Les filles sont belles, longilignes et élégamment vêtues. Elles ornent  leurs coiffures de fleurs  tropicales choisies avec soin, aux couleurs assorties à celles de leurs paréos. Les garçons sont musclés, tatoués de la tête aux pieds, et les bébés sont tous à croquer!
Les magasins sont incroyablement bien achalandés et nous retrouvons avec émerveillement de grands rayons de marchandises proposant un choix que nous avions oublié depuis Panama!

Dans le cimetière, sur la colline, se trouvent les tombes de Jacques Brel et de Paul Gauguin. Nous sommes touchés par la simplicité de ces sépultures, mais le paysage alentour vaut  mille fois toutes les décorations artificielles.
Un petit musée est dédié à chacune de ces deux personnalités.
En écoutant la chanson des Marquises, nous parcourons l'espace Jacques Brel, sous l'avion Jojo, au milieu de textes et photographies variés,  réunis dans un hangar à la simplicité débordante de naturel et criante de vérité.

Avec Jean, un passionné d'archéologie, de pierres, d'histoire et de légendes marquisiennes, nous visitons les principaux sites.
Le marae de Puamau,  à trente kilomètres sur la route Nord, est extraordinaire.
C´est un grand jardin dans la brousse, vestige d'un lieu de vie, de culte et de rassemblement pour les tribus anciennes.
Lorsqu'un chef de tribu mourrait, il était déïfié sous forme de tiki sculpté dans la pierre. Le ventre est arrondi, les jambes sont repliées et les mains à six  doigts posées sur le ventre semblent retenir la tradition.
Takaii, le plus grand tiki de Polynésie, mesure un mètre soixante, sa tête semble disproportionnée, ses yeux sont immenses, la bouche expressive laisse imaginer un cri.
À ses côtés, se trouve un tiki représentant une femme,  Maki i Taua Pépé, en position horizontale, ses lèvres sont tatouées, deux chiens sont gravés de chaque côté du socle et chaque dessin, chaque gravure possède  son explication certifiée ou supposée.
Nous admirons les pierres utilisées pour aiguiser toutes sortes de lames, celles destinées au travail de pilonnage, à la préparation des plantes médicinales ou à la cuisine et celles, plus romantiques, pour ces dames, avec l'ancêtre de notre miroir, la cuvette creusée, tapissée de poudre noire et emplie d'eau pure!

À pied, nous nous enfonçons un peu dans la brousse et Jean nous montre d'autres pierres sculptées, d'autres rochers comportant des pétroglyphes, autant de vestiges d'un passé lointain,  méconnu, souvent oublié, mais toujours vénéré et respecté dans la culture marquisienne.
Jean aimerait que les terres où sont retrouvés ces sites archéologiques soient achetées par le territoire, défrichées, inventoriées, classées  au patrimoine mais l'indivise sévissant dans toute la Polynésie rend le travail archaïque, minutieux, souvent impossible.

Sur la route, nous rendons visite à un tiki souriant, un des rares connu ou existant. Il représente une ancienne prêtresse, vivant dans la forêt en compagnie de nombreux jeunes hommes, ceci expliquant sans doute cela!

Nous circulerons également dans les vallées d'Hanaipa, d'Hanamenu et de Taneka, en admirant la végétation tropicale, les arbres fruitiers, les frangipaniers, les haies d'ibiscus, les chèvres et chevaux sauvages...

Cette ile est un joyau de verdure, et ses habitants sont d'une gentillesse et d'une générosité  incroyables, n’en déplaise à " radio ponton ". Nous la quittons chargés de présents pour les habitants des Tuamotu: citrons, bananes, pamplemousses, caramboles, corossols, mangues...

Notre séjour à Tahuata fut assez bref, la visite du village de Vaitahu nous enchanta, malgré le débarquement en annexe difficile nécessitant réflexes et agilité!
Cette ile, très peu touristique, n'est peuplée que de six cent habitants, mais une liaison maritime quotidienne est assurée depuis Atuana, même si la navigation est souvent difficile dans le canal du Bordelais, très venté.
La cathédrale, reconstruite en 1995, possède un très beau vitrail, le marché artisanal regorge de sculptures sur os, de colliers, de bijoux en tout genre,  l'épicerie est un royaume enchanté, et les habitants nous couvrent de présents gourmands.

Le mouillage de la baie de Hamamoena nous ravit, nous y retrouvons une eau claire, une plage de sable blanc digne des Tuamotu, des cocotiers, pamplemoussiers et citronniers généreux.
Je me promène en kayak au milieu d'un banc de raies manta, le cœur un peu battant, les ailes de ces grandes bêtes frôlent ma frêle embarcation, leurs sauts m'éclaboussent et je marmonne à haute voix: " Les raies ne mangent que du plancton !"


En compagnie de nos amis, nous aurons le grand privilège de nager avec ces raies, de descendre en apnée les caresser tendrement et prudemment pour ne pas les effrayer, de les admirer virevolter, tournoyer avec souplesse  et élégance, grâce et beauté.
Dans de l'eau claire et chaude,  deux heures durant, nous profitons  de ce cadeau de la vie, conscients que ces instants rares  et magiques sont des  privilèges,  des moments d’exception, une belle cerise sur un merveilleux gâteau!

La saison des cyclones touche à sa fin, nous préparons le bateau pour une navigation qui nous amènera à nouveau aux Tuamotu, où des amis nous attendent, où nous recevrons avec un immense plaisir une belle brochette familiale, pour partager dans la simplicité et la bonne humeur  notre quotidien aquatique.