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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

Arrivée en Nouvelle-Zélande

 

Les navigations entre les Fidji et la Nouvelle Zélande donnent bien des tracas aux capitaines que nous écoutons sur les pontons depuis quelques semaines déjà.
En effet, il va falloir pour que nous affrontions les courants contraires, les vents forts, les dépressions et les fortes houles.

Qui écouter ? Qui croire ?
Ceux qui conseillent de partir à la fin d'une dépression, ceux qui affirment le contraire et préfèrent larguer les amarres avant l'arrivée d'un front ?

Pour plus de sécurité, nous faisons appel à un routeur célèbre, Bob à qui nous indiquons tous les paramètres de notre bateau et qui nous trace une route possible. C'est un fin connaisseur de cette partie du Pacifique, nous suivons son programme en toute confiance.
Nous jouissons donc d'un temps clément au début de notre traversée, nous frôlons une première dépression, naviguons un jour au moteur. Nous nous préparons à terminer tranquillement notre périple quand une seconde dépression approche, celle-ci génère de fortes vagues cumulées à une houle croisée.
Un de nos safran casse, nous devons réduire la vitesse du bateau pour protéger le deuxième safran. Du coup, le catamaran est moins dirigeable, il se fait chahuter copieusement par les vagues, les heures sont un peu longues jusqu'à l'arrivée.
Il nous aura donc fallu sept jours pour parcourir les mille deux cents miles et atteindre Opua, notre port d'entrée.

Pour les formalités d'entrée, nous avons préparé à l'avance les documents administratifs, fait la liste de nos derniers carénages, un inventaire des produits interdits ou supposés l'être.
Une fois le bateau amarré au ponton de la quarantaine, un douanier vient à bord, il est vraiment sympathique, tout se passe aisément.
Le fonctionnaire de la biodiversité est tout aussi agréable, il apprécie nos formulaires pré- remplis.
Il déverse nos produits illicites (miel, œufs, citrons...) dans un grand sac poubelle pour leur destruction. Nous lui montrons nos coquillages, nos tikis, nos conserves de poissons et nos confitures maison, nous pouvons tout garder à bord, c'est une bonne et étonnante nouvelle pour nous.
Ce monsieur ne visite pas le bateau, n'inspecte pas la coque, Radio Ponton avait encore exagéré !

Nous prenons pour trois nuits une place à la marina, c'est la première fois que nous nous retrouvons au quai depuis la Martinique !
Notre séjour en Nouvelle Zélande peut commencer.

Les températures nous surprennent, il fait encore 12 degrés la nuit et, avec l'humidité et le vent ressentis, nous grelottons. Heureusement, nous avons une couette épaisse, des couvertures en laine, des vêtements chauds et un poncho tricoté avec amour.
La température de l'eau, de quatorze degrés à notre arrivée, a grimpé à dix-huit degrés au fond d'une baie...encore un petit effort puis nous sortirons nos bouteilles de plongée...

En attendant, nous prenons le temps de visiter la fameuse " Island Bay", baie des iles sur laquelle se sont donnés rendez -vous des centaines de bateaux.
Pour les vacances d'été, de multiples bateaux à moteur, à voiles, bateaux de pêche, petites embarcations ou yacht luxueux, tout ce qui flotte se retrouve sur le plan d'eau.
Suivant les vents, tous se déplacent de baies en criques abritées.
Certaines sont très fréquentées, d'autres plus intimes. Souvent, au fond de la baie, sont installés des campings, les vacanciers profitent des joies du grand air et de la plage.

Les paysages sont extraordinaires, la végétation abondante, les collines verdoyantes. Ce sont tantôt de verts pâturages où paissent vaches, brebis ou chèvres, tantôt des bosquets d'arbres feuillus, des forêts de pins ou des groupes d'arbres de Noël avec leurs fleurs en forme de pompons rouges.
Si sur les hauteurs, la végétation semble continentale, les bords de rive sont parfois garnis de palmiers et de fleurs tropicales, encore un copié-collé étonnant.
Les promenades sont féériques, je parcours des kilomètres à travers bois, mangrove, prairies, j'admire les nombreuses fleurs, hortensias, iris, arômes et autres pâquerettes, je croise les célèbres kiwis, oiseaux emblématiques de ce pays, sorte d'oiseau dinde au bec assez long et au cri strident qui m'effraie.

En kayak, je me balade le long des falaises, près des rochers garnis d'huîtres, de moules, j'observe les oiseaux, les " casseurs d'huîtres" et autres volatiles, je surprends les grosses raies qui se meuvent dans l'ombre de mon embarcation, j'admire les sauts des dorades et des harengs.
Par marée haute, je circule paisiblement entre les branches des arbres de la mangrove, palétuviers aux branches rabougries et au feuillage vert intense, j’ai l'impression de voler sur le toit d'une forêt magique, un peu mystérieuse, peuplée d'éléments invisibles qui s'agitent et se déplacent sous moi dans l'eau verdâtre.
Je rejoins parfois une rivière d'eau douce, je longe les fermes d'élevage d'huîtres, j'admire les grandes fermes, les ranchs, les immenses propriétés avec leurs maisons d'exception, je me laisse asperger sous une cascade par de l’eau claire mais frigorifiée qui descend d'une colline, je savoure...
Patrick, parti en annexe, croise une famille d'orques, deux grands adultes d'environ quatre mètres, accompagnés de plusieurs jeunes. Hélas, il n'a ni masque, ni palmes, l'eau est à quatorze degrés et un copain l'attend sur le ponton, le plongeon est pour la prochaine rencontre, promis !

Grâce à une belle rencontre avec un couple de Calédoniens, nous partons dans de bons coins à la cueillette d'huîtres et de moules. Ce sont de pleins seaux que nous ramenons au bateau, nos repas de semaine de fêtes sont assurés.
Les huîtres sont délicieuses, faciles à récolter avec un tournevis et un marteau, un peu délicates à ouvrir, sans doute à cause de leur fraîcheur. Nous les dégustons souvent crues, mais parfois beurrées et grillées.
Les moules demandent plus de travail, le nettoyage des coquilles est un travail de patience mais les plats préparés sont toujours très appréciés.
Dans le sable, nous ramassons aussi des coquillages, de forme allongée et de couleur crème. Préparés avec la chapelure, l'ail, le persil et l'oignon, ils sont succulents.
Les Maoris, qui représentent environ dix pour cent de la population, sont les seuls à récolter les coquillages sauvages, les kiwis d'origine européenne ne mangent que ceux provenant des élevages. Dans les restaurants, les huîtres sont servies après plusieurs rinçages à l’eau douce, un vrai désastre !

Nous visitons les villes de Russel, Kerikeri, Whangarei et tombons sous le charme de ces villages touristiques, d'une propreté sans pareille, de leurs boutiques originales, de leurs rues bordées de maisons individuelles entourées de pelouses et ombragées par de grands arbres.
Les touristes, autochtones, australiens, européens ou asiatiques sont très présents, le nombre de camping-cars est impressionnant, les vacances d'été battent leur plein !

Dans les commerces, les kiwis sont d'une gentillesse et d'une serviabilité exemplaires.
Les supermarchés proposent un choix de produits important mais ce sont les rayons de produits frais qui attirent tous nos regards.
Les légumes et les fruits sont de grande qualité, d'une fraîcheur incomparable et nous nous régalons de cerises, abricots, nectarines, raisins, et d’une variété importante de pommes. Tous ces produits locaux sont très abordables et nous retrouvons avec plaisir des saveurs un peu délaissées par nos papilles tropicales.

Nos mouillages, entrecoupés de courtes navigations au génois ou au moteur, nous emmènent de baies en baies le long de la côte jusqu'à Whangarei où, après quelques menus travaux, nous laisserons le bateau pour une autre forme de voyage, sur la terre ferme...encore un beau projet !

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