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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

Premières navigations Antillaises

Et voilà, nous sommes sur notre nouveau bateau, plus grand, plus beau, plus neuf...et nous allons le découvrir, l'apprivoiser en naviguant, dans le sens anti- horaire, le long des côtes de la  Martinique.
Quinze  jours durant, Charles- Antoine nous accompagne, pour notre plus grand bonheur.

Notre première escapade dure vingt minutes, montre en main, et consiste en  une minuscule navigation au moteur jusqu'au mouillage de Sainte-Anne.
Le premier jet d'ancre s'avère déjà un peu technique : l'ancre, d'une forme  inconnue   et la longueur de chaîne, mesurée quelques jours plus tard, différent de notre matériel précédent, nous sommes de suite dans la découverte et l'adaptation.

A Sainte- Anne, nous assistons à la fête patronale, riche en couleurs et en traditionnels défilés de danseurs. Les  festivités accueillent  l'arrivée puis, le lendemain, le départ d'une étape du Tour de la Martinique des yoles.
Cette épreuve sportive, qui correspond, dans l'ambiance, au tour de France cycliste en métropole, est une formidable fête populaire.

Rien ne manque: la caravane publicitaire composée d'une trentaine de catamarans tous décorés aux couleurs locales (rhum Clément, bière Carib, Cola de pays..) ou sponsorisés par de grandes marques nationales (Orange...), les bateaux accompagnateurs aux moteurs surpuissants, les embarcations de la Police du tour chargés de veiller au bon déroulement des épreuves, les trois hélicoptères de la gendarmerie, des douanes et de la télévision !
Des dizaines d'embarcation, chargés de vacanciers, de supporters et de curieux suivent  cette course passionnante.
Les yoles sont des embarcations semble-t-il assez sommaires, composées d'une coque en bois recouverte de couches de résine, d'un mat, de vergues et de pagaïes, d'une voile et de cordages.
Ajoutez à cela, une équipe de sportifs musclés,  équilibristes, entraînés et motivés, du vent dans la voile, des vagues et du soleil, vous aurez le spectaculaire cocktail de cet événement dont le trente et unième anniversaire a rempli toutes ses promesses.
Afin de maintenir l'équilibre, les marins, sous l'ordre du mapipi, virent de bord en coulissant leurs énormes pagaies et se hissent sur les extrémités de celles-ci, entre ciel et mer.
La mise à l'eau est particulièrement technique et nous avons assisté à plusieurs dessalages.
L’écope est souvent utile et les départs après chavirage sont un exemple de maîtrise et de persévérance.

Le long de la côte au vent, les alizés bien établis nous permettent de naviguer à la voile, parfois avec un ris dans la grand-voile, mais nous ne pourrons pas utiliser notre genaker, à la déception de notre équipier régatier et joueur.
Les manœuvres ne sont pas identiques à celles que nous pratiquions sur notre Belize, tous les bouts étant ramenés à l'arrière, les bouts du chariot d'écoute sortant du même côté, le winch électrique ayant migré à bâbord...
Cependant, un bon marin reste un bon marin, quelle que soit sa monture et notre vitesse de croisière tourne autour des huit nœuds, les accélérations emmènent notre nouveau bateau à des pointes à onze nœuds, je ne regarde pas les brouettes!

La côte est vent est assez déserte et nous avons profité des beaux mouillages du Havre du Robert, de l'Ilet Madame, de la baie du trésor...
Quelques langoustes d'une taille non polynésienne ont agrémenté nos repas, notre matériel de pêche toujours en transit se repose sans scrupules quelque part en mer...

Notre navigation et nos mouillages ont été cependant un peu gâchés par la présence de sargasses.
D'énormes plaques de ces algues flottent en surface, parfois sur un mètre de profondeur.
Ces sargasses qui envahissent les côtes antillaises proviendraient d'une zone située au Nord de l'embouchure de l'Amazone. Les bassins versants de l'Amazone ayant été massivement déboisés ces dernières décennies, les précipitations auraient libéré un surplus de sels minéraux en direction des rivières, des fleuves puis du milieu marin.
La croissance  algale serait due à l'eutrophisation de la mer, mais d'autres explications plus amphigouriques circulent aussi...
Les hélices des bateaux souffrent, la pêche à la traîne est impossible, les sargasses s'accumulant sur les plages dégagent des odeurs pestilentielles.
Le souffre contenu dans ces algues abîme les installations électriques des maisons, rend les yeux larmoyants et les gorges irritées.
Riches en alginates et en sels minéraux, ces envahisseurs pourraient cependant trouver une nouvelle jeunesse dans les domaines pharmaceutiques ou cosmétiques, ce qui serait un grand soulagement pour toute la population.

 De retour à la côte sous le vent, nous retrouvons avec plaisir les mouillages calmes de Saint- Pierre et celui des Anses d'Arlet, où une centaine de bouées a été installée.

Patrick se lance courageusement  dans différents travaux de bricolage, joints de hublots, pompe de toilettes, renfort des panneaux solaires...
Heureusement, Charles-Antoine grimpe au mat afin de poser  les protections des barres de flèches et assiste ingénument le capitaine déguisé en Mac Gyver!
Le reste du travail sera pour Grenade, où nous pensons nous rendre prochainement pour terminer la saison cyclonique en toute sécurité, mais aussi pour caréner.

Nous voilà donc repartis pour un tour, sans projet précis sinon celui de rejoindre bientôt la Polynésie.

Naviguer aux Antilles n'est pas une punition et nous serions bien ingrats et difficiles de jouer les blasés, surtout que ce nouveau bateau nous plait de plus en plus!
Nous avions décidé de ne pas comparer les mouillages, les plongées, les baignades, mais pas un jour ne se passe sans que nous pensions et parlions de ces îles lointaines sur lesquelles nous  avons dû laisser de puissants aimants qui nous attirent....