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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

Panama Galapagos

Quel bonheur d'arriver au Panama avec toute l'expérience accumulée lors de notre premier voyage!
Moins d'incertitudes  pour rejoindre les différents mouillages,  facilité pour retrouver un agent connu toujours disponible,  formalités plus aisées, maîtrise de l'espagnol améliorée, bref, un séjour agréable...
Nous profitons du village de Portobello, de sa baie abritée, de ses commerces, du service de bus pour nous rendre dans de grandes surfaces de bricolage, des festivités de Pâques organisées en musique, en fanfare et en couleurs...
Au mouillage de Port Linton, nous explorons en kayak les  passages creusés dans la mangrove. L'eau est souvent grise et vaseuse, mais nous découvrons de beaux coins où l'eau transparente nous laisse apercevoir le fond et les poissons. Sans bruit de moteur, nous écoutons piailler toutes sortes d'oiseaux exotiques! Quant aux crocodiles, je suis partagée entre le désir d'en apercevoir et la frousse de me retrouver avec une moitié de kayak ou un tiers de jambe!

La première fois, souvenez- vous, nous avions franchi les écluses du canal en position " central chamber" le catamaran seul au milieu du bassin.
Cette année, les provisions d'eau insuffisantes, la saison des pluies tardant à arriver contraignent les responsables à optimiser chaque passage: deux voiliers sont  donc amarrés à notre bateau.
Si les accouplages  sont un peu angoissants car effectués en marche, les préposés aux amarres sont au chômage technique: Paul et Claude, un sympathique couple, Jeannot, Franck et moi avons le temps de contempler le paysage, d'admirer à nouveau cette prouesse technique et cette organisation parfaite, de papoter.....Les deux voiliers deviennent de gros pare-battages pour notre catamaran et nous ne redoutons pas les parois des écluses ! Patrick, aux commandes, a cependant  la lourde et difficile  tâche de diriger les trois embarcations. Heureusement, nos moteurs sont puissants, les pilotes confirmés et dynamiques, l'expérience du capitaine grandissime...

L'émotion lors de l'arrivée dans les eaux pacifiques est intense, nous ne sommes pas blasés à l'idée de nous élancer à nouveau dans l'immensité bleutée ...
Fidèle à mon questionnement parfois désorientant, je me demande si je rentre à la maison ou si je pars en voyage....Où est mon chez-moi? Je suis un peu perplexe, excitée certes, légèrement  inquiète mais pourtant très enthousiasmée, pourquoi rester dans la simplicité?

La traversée jusqu'aux Galápagos est idéale, malgré le manque de vent qui nous contraint à une navigation au moteur deux longues journées. A quatre, les quarts de nuits sont raccourcis et la veille s'effectue avec un roulement de trois heures. C'est  magique, que de mauvaises habitudes nous donnent nos V.I.P, équipiers modèles de surcroît!

La mer est suffisamment calme pour cuisiner, jouer aux cartes, essayer de pêcher et passer de grands moments conviviaux et familiaux.

Nous arrivons donc  sans encombre aux Galápagos. Depuis notre séjour à Saint- Martin, comme toujours, nous avons entendu tout et le contraire de tout sur cette escale à tel point que nous étions remplis d'inquiétude !
Certaines rumeurs allaient même jusqu'à affirmer que les conditions de séjour étaient devenues extrêmement strictes...
Écoutant précautionneusement chaque conseil glané sur les pontons ou sur le web, nous optimisons au maximum nos chances de remporter la fameuse autorisation de séjour:

  1. Nous stoppons une matinée aux Perlas afin que les hommes du bord puissent, malgré l'eau froide, nettoyer la coque, gratter les coquillages accrochés çà et là. ;
  2. Quelques heures avant de jeter l'ancre dans la baie de San Cristobal, nous débranchons l’émetteur de notre A.I.S., nous affalons les voiles. Patrick part en plongée bouteille donner un ultime coup de propre sur les  coques et détacher les dernières bernacles.
  3. Tous les médicaments et autres produits pharmaceutiques sont triés, ceux comportant une date de péremption antérieure ou limite sont cachés dans un sac banalisé, au fond d'un placard.
  4. Trois poubelles sont installées, avec des consignes précises et écrites concernant le tri des ordures, ainsi que des pictogrammes recommandant  de ne rien jeter en mer.
  5. Toutes les oranges sont pressées, les fruits coupés en salade et mis au frais.
  6. Les légumes sont vérifiés un à un afin qu'aucun d'entre eux ne présente une tâche de moisissure.
  7. Les cales sont inspectées, nettoyées, le ménage est fait dans les règles de l'art, nous avons l'impression de vivre quelques heures sur un bateau de location!
  8. La coque de l'annexe, que nous ne pensions pourtant pas pouvoir descendre est frottée avec énergie.

Quelques minutes après notre arrivée, notre agent, Carmina nous rend visite. Nous avions traité avec son frère lors de notre premier passage et avions pris soin de lui annoncer notre venue.
Elle nous présente l'addition, mais ´nous devons, malgré  le prix exorbitant de 1350 dollars, fournir également le papier et le stylo!
Notre certificat de fumigation n'est pas valable, nous ne bronchons pas, nous avons acheté un faux document pour 25 dollars, nous savons aussi perdre!
La visite d'inspection est prévue pour le lendemain en fin de matinée .Des dix heures, nous sommes sages comme des images sur notre bateau, angoissés, silencieux (bon, d'accord, sauf moi) et impatients....
Le bateau taxi arrive, neuf personnes grimpent à bord, nous ne sommes pas regardant pour les chaussures, restons courtois. Un plongeur saute à l'eau pour l'inspection de la coque, photographie les empreintes de coquillages restantes, remonte satisfait, un bon point pour nous!
A l'intérieur, les autorités du parc sont à la recherche de fruits, de bestioles, de drogue, d'armes...mais l'inspection est assez rapide et succincte.
Je sors les bières fraîches, personne n'en boit mais les canettes disparaissent dans les poches des uniformes, un nouveau point pour nous!
Nous remplissons les fiches pour les douaniers, répondons aux différentes questions et obtenons l'autorisation de séjourner sur l'île, ouf!
Personne n’a vérifié le matériel de sécurité (extincteurs, fusées…), mais nous étions en parfaite règle.
La fumigation peut avoir lieu, je ferme toutes les issues, panneaux de pont et hublots, nous sortons du bateau.  Le préposé actionne sa machine qui envoie dans tout l'habitacle une épaisse fumée noire contenant les différents insecticides, pesticides et autres produits chimiques...il est temps de mettre pied à terre pour nous remettre de nos émotions devant un bon bol de soupe!

Aucun distributeur d’argent ne fonctionne, nous ne pouvons non plus utiliser les cartes bleues pour les achats dans les magasins mais nous avons une quantité suffisante de dollars à bord, heureusement !

 Nous profitons alors pleinement du séjour, avec plus de libertés que nous n'avions  espérées   imaginer.
Balades à terre, palmes/masque/tuba dans les baies proches du mouillage accessible en annexe ou en taxi, promenades en kayak, plongées sous- marine avec notre ami Martin, tout est magique!
Sous l'eau, nous retrouvons avec plaisir les grosses tortues aquatiques, les iguanes, les otaries toujours aussi curieuses et agiles.
Malgré nos combinaisons épaisses et nos lycras, nous grelottons dans l'eau à la température frôlant les 18 degrés. Un immense poisson -lune, d'un diamètre supérieur à deux mètres agite face à nous ses petites nageoires pectorales et se maintient tel un ballon gonflable en apesanteur ...il nous semble aussi haut que long!

Suite au tremblement de terre en Equateur, l'île de San Cristobal est de suite en alerte tsunami.
Avertis par un voilier français, alors que nous terminions tranquillement notre repas du soir, nous nous activons tous dans le calme et l'efficacité pour lever l'ancre au plus vite afin de  nous éloigner du rivage. La ligne de fond des cinquante mètres franchie, nous respirons un peu, celle des cent mètres nous redonne la parole et enfin, au bout de vingt longues minutes de navigation, la ligne des deux- cent mètres nous rassure!
Les consignes données par V.H.F ne sont pas compréhensibles pour nous, elles sont débitées à trop vive allure en espagnol et, malgré la demande de certains capitaines, ne sont pas traduites en anglais!
Heureusement, les voiliers français restent en contact et nous communiquent l'heure probable d'arrivée de la vague ainsi que sa faible hauteur, une cinquantaine de centimètres environ.
Comme le bateau est déjà agité par une houle bien établie et par des vagues croisées, nous ne sentons pas spécialement passer la vague du tsunami...
L'alerte dure encore deux bonnes heures, par crainte d'une réplique ainsi nous ne rejoignons le mouillage qu'aux alentours de minuit, reconnaissants et repus...Le verre de Génépi, liqueur montagnarde offerte par beau- papa, est le bienvenu!
Au cours des jours suivants, le nombre de victimes et de blessés en Equateur ne cessera de croître et la population, touchée, reste inquiète.

Certes, cette escale  n'est pas très économique, loin s'en faut, mais l'île est vraiment superbe, d'une propreté incroyable et exemplaire, aucun détritus, aucun mégot ne jonche le sol, aucun plastique ne flotte sur les eaux cristallines ....un modèle à suivre...

Nos invités nous quittent, nous préparons  avec soin notre grande traversée....