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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

Les San Blas, îles des indiens Kunas.

Nous quittons Bonaire avec regrets, laissant derrière nous nos amis plongeurs, les fonds sous-marins dont la faune et la flore exceptionnelles nous ont à nouveau ravis et les rayons chocolat et fromage du supermarché flambant neuf.

Une navigation de six jours nous est nécessaire pour atteindre les îles San Blas. Fort heureusement, une excellente fenêtre météo nous permet de franchir le Capo de la Vella, connu et craint pour ses coups de vent et ses vagues, et de profiter de cette traversée pour pêcher, mettre en conserve un géant thazard, et ramasser chaque matin, comme dans la chanson du petit navire, les poissons volants échoués sur le pont.
Au petit matin, nous mouillons dans la baie de Chichime, et nous sommes émerveillés par le paysage : des petites îles couvertes de cocotiers, bordées de plages de sable blanc et abritées par les barrières de corail, la vision est féerique, magique et nous laisse sans voix.( enfin presque, car, pour moi, cela ne dure jamais longtemps !)
L’archipel des San Blas comprend trois cent soixante cinq îles, dont soixante sont habitées par le peuple Kuna. Il existe même l’île de Robinson !

Les indiens, originaires des Mayas et métissés aux indiens d’Amazonie, ont quitté la terre ferme du Panama pendant l’invasion des espagnols. Ils vivent très simplement, les hommes pêchent et cultivent les noix de coco, les femmes cousent, confectionnent des colliers de perles, s’occupent des enfants et de la cuisine. C’est une société monogame et matriarcale.
Les femmes ont les jambes et les bras recouverts de bracelets de perles qu’elles confectionnent patiemment et qu’elles changent tous les trois mois. Leurs visages sont maquillés avec des plantes, une ligne transversale partage leur visage, des pommettes artificielles d’un rose douteux colorent  leurs joues. Un anneau perce leur nez, entre les narines, il est plus ou moins visible selon les anatomies et l’âge des personnes.

Leur tunique traditionnelle comporte deux molas, le dossard et le plastron. Ces pièces de tissu requièrent un travail soigneux, laborieux et délicat  et les fillettes s’y entrainent dès leurs sept ans.
Un mola est un carré composé de plusieurs couches de tissu de différentes couleurs. Chacune d’entre elle  est décorée de motifs découpés de taille inférieure à la précédente, puis cousue avec soin, elle laisse apparaitre la couche du dessus, ce qui donne une impression de relief. Sont ensuite ajoutés de petits motifs de tissu très coloré. C’est la technique de l’appliqué-inversé. Les thèmes des dessins sont nombreux mais celui de la nature est souvent présent.
En pirogues taillées dans des troncs de cocotiers, les femmes partent, à la rame, vendre leurs ouvrages aux bateaux de touristes, ce sont elles qui gèrent les dollars récoltés.

Leur vie est fort rudimentaire. Les cases, en branches de palmiers, comprennent une pièce et une petite mezzanine. A l’intérieur, des hamacs, une ou deux tables, des seaux en plastiques qui font office de rangement et de placards. Dans un coin, un feu de bois et une marmite remplie d’eau pour la boisson. En effet, l’eau de mer est recueillie dans de grands trous creusés sur l’île : les racines des arbres l’ont filtrée et, dessalée, elle sert à la cuisson des aliments, aux différents lavages mais n’est pas consommée telle quelle. Les Kunas la font bouillir ou y ajoutent, s’ils en ont, un peu de chlore.
Leur alimentation est simple : poisson bouilli, bananes bouillies et riz,  en plat ou en soupe. Ils troquent leurs noix de coco contre du sucre, de la bière, du tissu et des perles.
Sur l’île que nous avons visitée, les enfants n’étaient pas scolarisés mais les familles changent d’îles tous les six mois et des ramassages scolaires en pirogue sont organisés sur les îles plus peuplées.

Certains chefs de village essaient de quémander une taxe aux bateaux de touristes ancrés dans leur baie mais nous y échapperons, en échangeant de l’eau potable et même en allant simplement les saluer à notre arrivée !
Le poisson est abondant, les fonds sous-marins préservés et nous passons un agréable séjour.

Mais le canal de Panama nous attend, et nous laissons les indiens à leur occupations  en gardant dans un coin de notre mémoire, la possibilité d’une vie si paisible, loin du monde et de ses tracas !