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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

Une bien belle pêche !

La navigation entre Sainte-Lucie et La Barbade n’est pas aisée. Un fort courant contraire, une houle désagréable d’environ deux mètres nous ballotent en tous sens. Patrick se sent un peu vaseux et je ne fais pas la fière non plus.
Les cannes sont en place, nous pêchons à la traine lorsque nous naviguons.

Une heure après notre départ, une canne siffle. Un petit barracuda est pris à l’hameçon. Patrick le remonte et le pose dans un seau, dans le cockpit. Nous le relâchons quelques minutes plus tard, nous n’avons pas envie de le garder jusqu’à notre arrivée et d’ailleurs il ne nous inspire guère.

Alors que je fais une petite sieste réparatrice, j’entends siffler la canne un grand moment et Patrick  m’appeler aussitôt.
Je ne suis guère en forme, mais je fais faire mon maximum pour être une bonne assistante.
En tout premier lieu, il faut ralentir le bateau, rouler le génois et mettre les moteurs en route.
Cramponnée aux filières, je remonte la deuxième canne dont le fil  risque de s’emmêler avec celui qui continue à se dérouler, dans un sifflement de plus en plus strident. Le moulinet est à moitié vide, ce sont donc 500 mètres qui sont déjà à l’eau.
Commence alors la valse habituelle des préparatifs. Dans l’ordre, il faut défaire les filières arrières, passer le baudrier, préparer le rhum, la gaffe, les gants…
Patrick s’installe, il garde son calme, et commence à remonter le fil. Hélas, pour dix mètres enroulés péniblement, ce sont, à plusieurs reprises, vingt ou trente qui partent dans l’autre sens.
Des gouttes de sueur perlent sur son front, son bras est paralysé par instant mais il lutte avec courage, pensant certainement au gros poisson qui finira bien par montrer le bout de sa queue.
Soudain, nous apercevons au loin, très loin, un espadon voilier qui saute et déploie sa voile.
Un espadon voilier ! Le visage de Patrick s’illumine, il pense à celui que nous avons laissé filer à Cuba et son énergie est renouvelée et décuplée.
Mais la bataille n’est pas gagnée : plusieurs fois encore, le poisson va plonger et reprendre l’avantage. Je m’installe alors à la barre et je mets le bateau face au vent pour qu’il ralentisse davantage et s’arrête. L’espadon en profite pour faire alors des allées et venues de droite à gauche et je dois anticiper les manœuvres pour maintenir l’arrière du bateau face au poisson qui continue de se débattre vaillamment.
Le voici qui se rapproche enfin, les émotions sont fortes. Je voudrais filmer la scène mais je n’ai pas la force et je dois approcher la gaffe, tenir la canne pendant que Patrick déverse une bonne rasade de rhum dans la gueule de la bête.
Un bout autour de la queue, un autre dans la bouche assurent la remontée sur les marches et parent à tout sursaut éventuel.
Cette fois, ça y est ! L’espadon est remonté, Patrick  a le bras droit  tétanisé mais il est très heureux ! Il peut aussi être  très fier, le poisson mesure 2.2 mètres et  pèse environ 40 kilogrammes.

La séance photos terminée, Patrick découpe le poisson et le range dans des boites puis dans du film.
Le mal de mer de Patrick a disparu, le mien empire de plus belle