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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

Grands préparatifs

Six mois sont passés depuis mon dernier texte et je vous ai laissés sans  nouvelles !

Il est donc grand temps que je vous raconte succinctement quelques-uns de nos préparatifs d'avant le grand voyage!
Sommes- nous plus prudents, moins inconscients que lors de notre premier voyage, les mésaventures vécues ou contées par les marins rencontrés nous ont- elles un peu stressés? Seraient- ce les six années de plus sur chacune de nos épaules  qui nous rendent  plus craintifs?

Nous avons choisi de partir avec un bateau en parfait état, sûr, confortable et la préparation nous a pris beaucoup de temps, au rythme antillais, tout de même !
Voici donc le résumé de nos travaux, sur trois îles distinctes. Rassurez- vous, toutes ces occupations ont été entrecoupées de moment forts agréables, de promenades, de baignades, de repas entre marins, bref, notre quotidien n'a pas été trop perturbé...

Courant septembre, nous avions prévu, en second  lieu, de caréner  le bateau à Grenade, le chantier du Marin étant fermé pour travaux. Mais en bateau, les projets sont, comme la météo, souvent changeants.

Une rencontre, quelques conseils d'amis reçus par mail, des discussions entre habitués nous ont poussés raisonnablement vers Trinidad.
Nous avons retrouvé avec beaucoup de bonheur nos amis québécois et nous sommes partis de concert, comme cinq années  auparavant, sur deux nouveaux bateaux, pour eux comme pour nous.

La traversée Grenade/ Trinidad fût  aisée. Nous avons pris la mer aux alentours de dix- sept heures, avons navigué  à la voile une bonne partie de la nuit, puis avons terminé  au moteur, le vent nous ayant abandonné, probablement pour des contrées plus exotiques...

Le coucher du soleil fut  magnifique, tout l'horizon était  illuminé par des couleurs  de différents rouges. Soudain, le ciel entier se teinta en rouge rosé et se refléta sur les flots calmes. Au sens propre comme au sens figuré, nous avons vu, une fois de plus, la vie en rose!
Quelques instants plus tard, le lever de lune  fut, lui aussi, un moment de grâce, les couleurs devinrent jaunes, ocre, orangées. Le halo clair se dessina dans la nuit noire qui disparut peu à peu...

La veille, nous avions profité sans modération de l'éclipse de lune en fêtant l'arrivée de notre petite fille  Mathilde. En supplément de cette immense joie familiale, nous étions en extase et en contemplation devant le spectacle rarissime et grandiose offert par la nature. Non, nous ne sommes pas blasés et pouvons continuer le voyage avec sérénité!

Au petit matin, nous sommes entrés  dans " Bocas de Monos", avons longé l'île Monos, et nous sommes arrivés  dans la baie de Chaguaramas, au nord de Trinidad.
Sur tribord, nous apercevions le Venezuela, non loin.
Nous nous sommes  amarrés à une bouée disponible et louée en général aux plaisanciers pour la somme de trente TT dollars par jour, équivalents environ à 4,30 euro.

Le mouillage n'est pas agréable, loin s'en faut, l'eau est sale, chargée d'immondices, des plaques de graisse et de pétrole flottent à la surface.
Le passage continuel de pétroliers, de bateaux pilotes, de yachts ou de  bateaux de pêche créent de grosses vagues et nous sommes un peu ballotés.
Le bruit est incessant, les navires à quai font tourner leurs puissants moteurs, les chantiers en construction sont en effervescence jour et nuit et le vacarme est parfois assourdissant.
Les fins de semaine, des bateaux organisant des rêves -parties sillonnent la baie, tractés par de petites embarcations. Des baffles puissantes crachent une musique forte, les animateurs hurlent dans les micros pour tenir éveillés les dizaines de personnes entassés sur les ponts. Nous avons eu droit à trente -six heures de musique ininterrompue.
En autobus, le samedi, nous allons à la capitale Port of Spain, plus au sud sur la côte. C'est le jour du marché et des étals de fruits, légumes, vêtements sont alignés dans les rues commerçantes. La foule est nombreuse et se presse alentour, dans une agitation et un brouhaha joyeux.
Les magasins sont nombreux et diversifiés. Magasins de tissu, de vêtements, bazars en tout genre, le choix est immense et les prix fort raisonnables.
L'énergie est peu chère, les climatisations tournent à plein régime et les portes sont grandes ouvertes, les passants profitent de l'air frais...

 En attendant la date d’entrée au chantier,  nous réalisons des travaux de couture, (confections de poches et reprises des coutures pour la housse de l'annexe, changement du cristal sur le taux avant du cockpit, création de six protèges- winches en sumbrella.), quelques aménagements  et prenons aussi du bon temps...
Une pièce du générateur doit être changée et un mécanicien vient exécuter ce difficile travail.

Notre bateau est trop large pour être sorti avec le travel lift et c'est sur un chariot ....que nous arriverons sur la terre ferme. Nos réservoirs d'eau sont vidés au préalable pour ne  pas alourdir inutilement le voilier. Un tracteur nous tire hors de l'eau, et un engin de chantier tire le tracteur...à deux, tout va mieux.
Nous restons sur le bateau et surveillons les manœuvres, le passage est un peu étroit mais nous avons affaire à un personnel qualifié et très soigneux, nous ne heurterons ni les voiliers, ni les balcons des maisonnettes...
Bien calé, le catamaran est prêt pour le festival des travaux. Notre intermédiaire, Allan, examine minutieusement les coques, propose un ensemble de prestations, chiffre le devis que nous approuvons.
Deux heures plus tard, six ouvriers s'activent et décollent toutes les couches d'antifouling accumulées sur les coques.
Puis vient l'heure du ponçage, du polissage, une couche de primaire est apposée, deux couches d'antifouling sont passées, les endroits sensibles auront droit à une couche supplémentaire.

Dans le même temps, des ouvriers s'occupent du nettoyage, du ponçage et du cirage de la partie  supérieure du bateau. Le travail est pénible, mais les hommes sont courageux et le résultat est magnifique. La coque brille comme un miroir!
Le mécanicien vient démonter les hélices, les embases, les anodes.
Nous confions nos belles hélices Maxpropres à un spécialiste et Patrick suit de près le remontage de ces objets de précision.

Les travaux de plomberie nous donnent plus de soucis, les passe- coques et les tuyaux y accédant doivent être changés, ce travail est vraiment technique. Les vannes ne sont pas toutes faciles d'accès, un placard doit être découpé, le plombier perd un peu ses nerfs...

Par concours de circonstances heureux, nous sommes invités sur un grand yacht de trente mètres de long pour visionner la demi- finale de la coupe du monde de rugby. Air conditionné, bières, ailes de poulet grillées, pommes de terre sautées, nous sommes dans l'ambiance festive  haut de game Les invités sont belges, américains, sud-africains, mais tous chantent la marseillaise avec nous.
Hélas, nous entendons bien vite :
-"Mais où est Napoléon?"  Et autres réflexions...

Nous quittons le chantier avec un beau bateau, quelques dollars en moins, certes mais nous sommes vraiment contents du travail fourni par l'équipe d'Allan, de la qualité des prestations offertes par le chantier, et de la bonne ambiance générale, malgré notre plombier un peu démoralisant.

Nous passons le mois de novembre en Martinique, en joyeuse compagnie. Nouvelles rencontres ou retrouvailles, que de bateaux copains dans ces mouillages antillais bien garnis!
Le gréement est refait à neuf, sous les pluies battantes de la saison humide!

Début décembre, nous prenons la direction de Saint - Martin, pour une importante escale technique.
Nous recevons le compresseur de plongée et Patrick confectionne aussitôt une belle boîte étanche afin de le préserver de tous les embruns. Nous récupérons un morceau de mousse et cousons pour le dessus un coussin moelleux.
Les bouteilles de plongées arrivent aussi à bord, ainsi qu'un A.I.S perfectionné. Un soudeur professionnel et drôlement agile soude des renforts pour notre portique arrière, il abritera sans peine l'annexe et le kayak lors des grandes navigations.
Le bateau est presque parfaitement équipé, de nombreuses pièces de rechange sont achetées.

Par l'intermédiaire d'annonces locales, nous trouvons un kayak en piteux état et à un prix dérisoire. Sans doute cycloné, il a beaucoup souffert et plusieurs trous apparaissent dans la coque en kevlar et en carbone. Aidés  par deux spécialistes de la résine, nous bouchons, réparons, consolidons, ponçons, peignons, ponçons encore et terminons par peindre en rouge et blanc cette embarcation ultra rapide, légère et au design très sportif!

Que de bazar sur un bateau!
Prenez les filtres, par exemple. Il faut prévoir des filtres pour le dessalinisateur : filtres à charbon, filtres 40 microns,  20 microns puis 5 microns.
Pour les moteurs du bateau, nous avons besoin de filtres à huile, de filtres à air et de filtres à gasoil. Pour le moteur de l'annexe, un filtre à essence suffit. Pour le groupe électrogène trois filtres sont nécessaires: gasoil, huile et eau. Je n'oublie pas le compresseur qui a ses propres filtres à air.
Voilà ce n'est pas le moment d'embêter le capitaine avec les filtres à café !
Je ne vous parle pas du nombre de courroies, de bouts, de bouteilles d'huile (pardon, de bidons d'huile, les bouteilles sont dans la cuisine!)"...

Une dernière escale martiniquaise nous permet d'acquérir un deuxième kayak pour Patrick. Plus court, plus stable que le mien, il possède même un emplacement pour la canne à pêche, de quoi joindre l'utile à l'agréable en balade.
Avec une  nouvelle ancre et cent mètres de chaîne flambant neuve  nous dormirons tranquillement, le bateau solidement ancré.
Ainsi se termine nos six mois de préparatifs, de projets pour notre prochain départ prévu en fin de semaine.

Bien sûr, nous avons aussi profité sans modération de  nos amis québécois, grenoblois, marseillais, amis de longue date ou nouvelles rencontres.
Les prochains textes seront certainement  moins techniques, plus exotiques, plus romantiques et un peu plus " féminins "!

Quelles surprises nous réserve cette seconde traversée?
Quelles belles rencontres nous attendent au détour d'un mouillage, sur le bord d'un ponton?
Qu'allons- nous apprendre de la vie, sur ou sous l'eau?

A bientôt donc, pour de nouvelles aventures sur un bateau que nous apprécions chaque jour davantage, en navigation comme au mouillage.