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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

Plongée numéro 500.

Et voilà, je me prépare aujourd’hui pour ma cinq-centième plongée.
C’est certainement un chiffre dérisoire pour tous les  plongeurs professionnels, instructeurs, photographes et autres travailleurs ou techniciens de la mer.
Mais pour moi, terrienne ardéchoise  qui ne mettais même pas la tête sous l’eau au début de notre voyage, ce chiffre me parait  parfaitement  irréel.

Une grande joie m’envahit.

Ce  n’est pas, me semble-t-il, de la fierté qui pourrait se confondre avec de la vantardise.
Ce n’est pas non plus un soulagement ni un but atteint. C’est une étape supplémentaire franchie dans la découverte puis la pratique de cette passion.
J’essaie de dresser un bilan de ces cinq-cents plongées et de vous le faire partager, en toute simplicité et franchise.

 

QUELQUES CHIFFRES POUR DÉBUTER :

*Ma première vraie plongée, qui a suivi quelques petites promenades initiatiques  à Bonaire, en compagnie de Patrick et de Franck, a eu lieu sur l’ile d’El Guaro, au nord du Vénézuéla en septembre 2011.
Il m’aura donc fallu un peu moins de dix années pour réaliser toutes ces plongées.

*Celles-ci sont consignées dans quatre cahiers. Pour chacune d’entre elles sont notés avec soin les dates, lieux, profondeurs, durées, accompagnants, mais ce sont les résumés et les anecdotes qui en font la diversité et l’intérêt.

*Mes plongées ont eu lieu sur quarante-neuf îles différentes, certaines fort connues, comme les îles des Antilles ou les principales îles de la Polynésie, d’autres moins fréquentées, comme Malpelo, Niue, Malolo-lailai par exemple...

*J’ai additionné le temps de chaque plongée et le total du temps passé sous l’eau au bout de ces 499  balades se monte à 407 heures et 53 minutes (environ 17 jours), soit une moyenne de 49 minutes et 4 centièmes pour chacune d’entre elle.

*Ma plongée la plus profonde a eu lieu sur la petite île de Toau, près de l’Anse Amiot et je suis descendue, en excellente compagnie de Patrick, de Carole et d’Arnaud,  à 69,10 mètres.

*Par contre, je ne sais ni le nombre de cartouches purifiantes d’air, ni le nombre de courroies pour le compresseur. La technique, le gonflage et toute l’intendance est le domaine réservé de mon mari. Cependant, il est certain qu’une grande  autonomie est nécessaire pour plonger le plus souvent possible dans les coins reculés de la planète, à moindre frais… Il nous arrive quelquefois de rejoindre un club de plongée, comme aux Fidji chez Jean-Michel Cousteau par exemple, afin d’avoir une première idée des plongées possibles et de leurs particularités.

 

QUELQUES MAGNIFIQUES RENCONTRES.

*Bien que je ne sois pas encore blasée, que je me réjouisse toujours de découvrir encore et encore les coraux, les petits poissons, les tortues, la végétation, quelques souvenirs de belles émotions à la vue de certaines créatures sont bien présents dans mon esprit comme autant de moments indestructibles.

*Dans la vallée blanche, à Tahiti, la rencontre avec deux requins tigres, dont un très gros et un plus juvénile. Ceux-ci sont restés une vingtaine de minutes autour de nous et nous avons eu le loisir de les admirer pleinement, le cœur battant fort, en essayant tout de même de nous mettre à l’abri derrière un rocher et de ne surtout pas les quitter des yeux, en bas comme lors de notre remontée que nous avons effectuée en cercle.

*A Malpelo, une descente dans un aquarium, avec tellement de poissons que nous avions l’impression de ne pouvoir avancer et en arrière-plan, un impressionnant mur de requins-marteaux.
L’un d’entre eux se détacha du groupe pour se rapprocher de nous, un second curieux le rejoint. Je jetais un regard anxieux à mes compagnons, Cathy et Gilles qui, nageant dans le bonheur, les yeux étincelants, semblaient si sereins et tellement heureux. Leurs attitudes positives m’incitèrent  à profiter intensément de l’instant présent, sans stress...

*Aux Galápagos, après que nous ayons  joué avec les  otaries, admiré leur agilité et leur élégance, profité de leur gracieuses pirouettes, que nous ayons admiré les imposantes tortues de mer, une énorme forme cylindrique apparut soudainement. Je pensais un instant à un ballon gonflable échoué ou à une baleine. En fait, un géant poisson-lune nageait tranquillement, sa taille était impressionnante. J’étais tellement  heureuse de partager ce moment avec mon beau-père et mon mari, cette vision pourrait être commentée dans les repas de famille!

*A Tahuata, au sud de l’ile, avec notre ami Franck et sa joyeuse famille, nous explorions chaque jour de nouvelles grottes. Alors que nous nous engagions dans l’une d’elle, nous avions l’impression de voir le sol bouger. Nous restions en suspension, pratiquement collés au plafond et attendions pour comprendre. Soudain, une raie pastenague secoua le sable et se souleva légèrement, elle fut suivie par une deuxième puis par d’autres....Au moment où un nuage de sédiments et de sable envahit la grotte, nous décidâmes de sortir, nous les avions bien involontairement dérangées. Le lendemain, nous retournions dans cette même grotte, agissions différemment en y pénétrant un par un, délicatement, nous pouvions alors  comprendre et admirer toutes ces raies, bien grosses car sur le point de donner naissance à leurs petits. Elles se reposaient enfouies dans la grotte, seuls leurs yeux émergeaient, c’était un spectacle incroyable !

*Sur cette île, à la pointe, nous descendions et longions un petit éboulis de pierres, semblable à un muret. La visibilité n’était pas excellente et ce ne fut qu’au dernier moment que nous avons vu arriver sur nous une masse sombre et imposante, une géante raie Manta d’au moins six mètres d’envergure, une deuxième la suivait. Nous étions déjà sous le charme et pensions qu’elles allaient poursuivre leurs chemins sans se soucier de nous.
Mais non, elles restèrent avec nous, se mirent en mouvement, lentement, puis semblaient nous proposer un ballet aquatique majestueux. Elles tournèrent, virevoltèrent, se séparèrent puis se retrouvèrent, ondulèrent majestueusement ...Nous nous sommes alors assis sur la muraille, par vingt-cinq mètres de profondeur et avons assisté, médusés et conquis, à cette danse nuptiale probable à moins que ce spectacle n’ait été qu’un cadeau marquisien, un de plus....

*A Rangiroa,  alors que Charles-Antoine et Paul-Alexis nous avaient rejoints, nous partagions en famille une plongée parfaite. Un groupe de petits dauphins était  présent dès notre descente, puis deux grands  dauphins joueurs, accompagnés d’une maman et de son bébé s’approchèrent de nos enfants et tous se mirent à jouer ensemble. Patrick et moi restâmes un peu en retrait pour profiter de ce spectacle, de leurs pirouettes et autres figures, un moment de grâce...puis loin, un banc de perches pagaies s’étalait sur des dizaines de mètres, une raie manga se promenait, suivie par une raie aigle....le bonheur était à son apogée.

*A Fakarava, dans le sud, à Tetamanu,  ma plongée préférée, où j’ai eu l’immense privilège de plonger à quatre-vingt-une reprises, le mur de requins pouvant, les jours de pleine lune, atteindre les sept cent individus, m’a enchanté dès le premier instant. C’est mon endroit préféré, je ne me lasserai jamais d’admirer ces requins de différentes espèces, parfois tout proches, parfois plus au loin. Courant entrant, courant sortant, de jour, de nuit, version crépusculaire ou en tombée de jour, cette passe m’éblouira longtemps, elle est un régal pour les yeux et sans doute y règne-t-il un excellent mana...

 

LA PLONGÉE, HISTOIRE DE COPAINS.

Bien souvent, Patrick et moi plongeons en couple, mais pour cela, nous devons disposer d’une bouée pour laisser notre annexe. Ce n’est pas toujours aussi aisé qu’à Bonaire ou qu’aux Anses d’Arlet, par exemple, où les clubs de plongées mettent  gentiment leurs bouées à la disposition des plongeurs « hors structure ». Il est donc indispensable, dans les coins isolés comme pour les plongées dérivantes, d’avoir de bons copains plongeurs et de veiller, à tour de rôle, les uns sur les autres.
Ce n’est pas forcément  évident d’assurer la sécurité en surface, malgré la balise AIS/GPS,  surtout dans les passes des lagons polynésiens où le courant peut être très puissant et personne ne se bat pour cette responsabilité.
Nous avons donc plongé avec beaucoup de copains bateaux et partagé de grands moments avec des plongeurs passionnés.
Les préparatifs de plongées donnent lieu à des apéritifs à rallonges, des débats complexes, des décisions « difficiles », courant entrant ou courant sortant, heure de la marée, ensachage du lagon...
Le retour de plongée aussi est un grand moment de partage, chaque plongeur a son récit personnel, il m’arrive de n’avoir pas vu les mêmes poissons que mes voisins, ni ressenti les mêmes impressions...

Un grand merci à tous mes amis d’avoir partagé ces nombreuses plongées avec moi, de m’avoir parfois aidée, encouragée, consolée, d’avoir vécu mes premières angoisses et mes fous-rire, supporté mes grandes théories et mes âneries ...
Si la plongée pour moi reste une belle histoire d’amour, elle est aussi source d’amitiés sincères et durables, de respects et d’attentions, de partage et de bonheur.

 

BÊTISES ET AUTRES ÉTOURDERIES.

*A Tortuga, ma première bêtise a eu au moins le mérite de beaucoup amuser mon fils et mon mari... Mon niveau 1 terminé, je pensais avoir un peu de maitrise.  Je descendis pourtant avec précaution, ...Je  me retrouvais assise sur un petit rocher et cherchais à m’en décoller en gesticulant. Grand moment de solitude durant lequel je me demandais si j’avais bien tout compris ! !  Soudain, je pensais à gonfler mon gilet, ouf, il était temps, Paul-Alexis allait prendre de l’eau dans son masque tellement il riait.

*Ma plus grosse bêtise reste sans nul doute d’avoir été persuadée de voir voler les langoustes....sans n’avoir consommé aucune substance illégale!
Dans une grotte de Nuku Hiva, je découvrais, médusée, que les langoustes se rendaient d’une paroi à l’autre en traversant dans l’eau, juste devant mon masque. Je croyais rêver, regardais plus attentivement et je fus persuadée que les langoustes  volaient ...Cette idée ne me quitta plus et, à la sortie de l’eau, dès mon embout ôté, je la partageais avec Patrick,  lui reprochant même de ne m’avoir jamais informé auparavant de ce phénomène !
Devant son air ahuri et son sourire compatissant/ moqueur / incrédule, je compris, mais un peu tard,  que j’avais oublié que nous étions dans la grotte, bien sûr, mais aussi sous l’eau et que les langoustes nageaient, tout simplement...
Sans doute étais-je devenue plus à l’aise sous l’eau, selon mon capitaine.

*A Fakarava, emportée par un puissant courant, j’ai agrippé un ami qui se tenait à un piquet. Malheureusement,  mes talents de l’époque ne m’ont pas permis d’ajuster ma trajectoire et je me suis dirigée de manière plutôt indécente, encore mille excuses, ami Philippe !

*De la même manière, à Moorea, devant trois mâchoires peu hospitalières de requins citron de  belle taille, je me suis rapprochée et pratiquement blottie contre mon ami Régis, tout en me rendant compte que, malgré ma frousse, mon cœur tenait bon, contrairement à ma vessie...
Désolée, Valérie et merci de m’avoir prêté ton chéri...

*Récemment, j’ai attaché l’annexe à une bouée, mais mon nœud n’était pas correct et nous nous éloignions doucement mais sûrement pendant que nous enfilions nos palmes....

*Avec ma palme et beaucoup d’inattention, j’ai enlevé le bouchon de l’annexe et je regardais l’eau y pénétrer sans comprendre ni réagir...

 

LES INOUBLIABLES

Sur toutes ces plongées, toutes ne sont pas inoubliables. En feuilletant mes cahiers, je me rends compte que j’en ai même oublié  certaines, alors que d’autres restent mémorables.

*Certaines par le site en lui-même, comme Malpelo, les Galápagos, les Fidji, et bien sûr les passes des lagons des Tuamotu ou les grottes des îles des Marquises.

*Certaines par la présence à mes côtés des personnes que j’aime, mes enfants, mon beau-père, mon beau-frère et mon oncle, mais aussi celle de  tous mes précieux amis, ici où là.

*Certaines encore par leur finalité, comme la cueillette des noix de Saint-Jacques, autorisée en Nouvelle Zélande malgré l’eau froide ou l’exploration d’une grotte indiquée par ouï-dire.

*Comment oublier la tête de Patrick devant son premier tricot rayé, petit serpent bicolore de 20 cm qui donna à mon mari plus de frayeur que le requin tigre et qui me conduisit à lui tenir la main, pour  le fun, bien évidemment?

*Comment effacer de ma mémoire ce moment magique où mes garçons et moi traversions le mur de requins dans la passe de Fakarava, attitude osée, pas trop recommandée mais qui nous procurât  de fortes flambées  d’adrénaline?

*A Maupiti, sur une plongée bien décevante visuellement, le chant des baleines nous accompagna du début à la fin. Emouvantes aux frissons, ces  mélodies variées, parfois aigües parfois plus graves, semblaient nous raconter une belle histoire. Nous tournions la tête dans tous les sens dans l’espoir de les apercevoir, elles nous paraissaient proches, nous apprîmes plus tard que leur chant résonnait à des dizaines de kilomètres…

*Ma première visite d’une épave, ma toute première dérivante, que de premières fois dans ce loisir passionnant qui fait de moi une grande chanceuse.

 

Cependant, je suis aussi émue, j’ai une pensée pour mon ami Gilles, disparu en plongée à Ahe. C’est lui qui m’a appris avec patience et gentillesse la théorie et la pratique du niveau 2 et bien plus encore, durant plusieurs années…

 Voilà, je suis prête pour la cinq-centième, le cœur joyeux, l’esprit vaillant, le bonheur au bout des palmes...